Les Montréalais rendent hommage aux femmes autochtones disparues et assassinées


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Par La Presse Canadienne, 2025
MONTRÉAL — Shirley Pien passe beaucoup de temps au square Cabot, un parc du centre-ville de Montréal où se rassemblent de nombreuses personnes sans abri.
Cette femme travaille comme intervenante en santé pour une clinique de santé autochtone de la ville et se fait un devoir de se rendre à ce lieu de rassemblement chaque semaine. C'est un lieu que fréquentaient de nombreuses femmes autochtones disparues qu'elle connaît, jusqu'à qu'elles manquent à l'appel.
«Ces derniers mois, il y a des femmes que nous voyions régulièrement et que nous ne voyons plus. Personne ne sait où elles sont», a raconté Mme Pien, originaire de la nation naskapie du nord du Québec.
Elle faisait partie des nombreuses personnes qui ont participé à la marche organisée à Montréal samedi pour souligner la surreprésentation des femmes et des filles autochtones disparues et assassinées au pays.
«J'espère qu'un jour, les gens nous entendront et commenceront à agir», a-t-elle déclaré, ajoutant que la police de Montréal n'en fait pas assez pour apporter une réponse aux disparitions.
La marche s'inscrivait dans le cadre de plusieurs événements organisés partout au Canada vendredi et samedi pour souligner la journée nationale d'action, qui a lieu chaque 4 octobre.
Les organisateurs de la manifestation montréalaise affirment qu'aucun ordre de gouvernement n’a mis en œuvre les recommandations de l'enquête nationale de 2019 sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées, qui déclarait que la situation était critique.
Cette enquête a conclu que des violations «persistantes et délibérées» des droits de la personne sont à l'origine des taux élevés de violence subis par les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones.
Au total, 231 appels à la justice ont été lancés, dont plusieurs visaient les gouvernements et les prestataires de services sociaux.
Peu de ces appels ont été entendus, ont indiqué les organisateurs de la manifestation, parmi lesquels figuraient un refuge local pour femmes autochtones et une association représentant les Inuits du sud du Québec.
Simone Page dirige une équipe dans un refuge qui défend les familles à la recherche de leurs proches.
Elle a expliqué que le trafic sexuel est un problème majeur chez les Inuites sans logement et les autres femmes autochtones de la ville. Les personnes qui fréquentent le secteur du square Cabot sont régulièrement ciblées par des trafiquants qui dissimulent leurs intentions en les abordant de manière romantique ou amicale, a-t-elle déclaré.
Les hôtels pour patients médicaux, l'aéroport et les gares routières de Montréal sont également des endroits où les femmes autochtones se font interpeller, a-t-elle ajouté.
Lorsque ces femmes disparaissent, la police n'intervient pas toujours aussi rapidement qu'elle le devrait, a-t-elle dit. D'après son expérience, elle a constaté que les recherches ne commencent souvent que 24 à 48 heures après le signalement d'une disparition.
«Ces premières 24 à 48 heures sont essentielles, surtout lorsqu'il s'agit de traite», a indiqué Mme Page à La Presse Canadienne.
Native Nam, auteure et artiste de Kitigan Zibi, en Outaouais, au Québec, croit que le nombre de femmes autochtones disparues et assassinées signalé par les autorités ne correspond pas à la réalité.
«Des groupes militants suggèrent que les chiffres réels pourraient être bien plus élevés», a-t-elle déclaré à la foule rassemblée. «Ce ne sont pas que des chiffres. Ce sont nos filles, nos mères, nos tantes et nos cousines, c’est nous.» Dans un communiqué publié samedi, le ministère fédéral des Relations Couronne-Autochtones et des Affaires du Nord a réaffirmé sa détermination à mettre fin à la crise nationale.
«Le travail le plus important est mené par les Autochtones au niveau communautaire», ont déclaré les ministres Rebecca Alty, Relations Couronne-Autochtones, Mandy Gull-Masty, Services aux Autochtones, Rebecca Chartrand, Affaires du Nord et de l'Arctique, et Rechie Valdez, Femmes et Genre.
Le communiqué mentionne les fonds engagés pour des refuges et d'autres projets visant à améliorer la sécurité communautaire dans le cadre de la réponse du Canada à la crise.
En août, le Canada s'est engagé à verser 8,5 millions $ pour la création de logements de transition pour les femmes et les enfants métis à St. Andrews, au Manitoba, par exemple.
Le gouvernement a organisé des rencontres autochtones, fédérales, provinciales et territoriales pour discuter de la crise, a élaboré un plan d'action national pour mettre fin à la violence fondée sur le sexe et a nommé un conseiller principal pour lutter contre la traite des personnes au pays, ont également souligné les ministres.
Miriam Lafontaine, La Presse Canadienne