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Plusieurs municipalités doivent importer de l'eau à cause de la sécheresse

durée 12h39
8 octobre 2025
La Presse Canadienne, 2025
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6 minutes

Par La Presse Canadienne, 2025

MONTRÉAL — Le sud du Québec est assoiffé et ce ne sont pas les 15 à 20 millimètres de pluie tombés mardi qui viendront l’étancher.

Plusieurs municipalités du Québec en sont rendues à importer de l’eau par camion-citerne, le transport des marchandises sur le fleuve Saint-Laurent est affecté et de nombreux plaisanciers ont du mal à hiverner leur bateau parce que le niveau d’eau est insuffisant pour rejoindre les grues de leurs marinas.

Deux mois sous la normale

La situation est hors de l’ordinaire puisque l’on parle de deux mois consécutifs – août et septembre – de précipitations nettement sous la normale dans le sud du Québec, explique le météorologue Peter Kimbell, d’Environnement Canada. «La sécheresse a commencé au mois d’août, mais le manque d’eau a vraiment pris de l’ampleur au mois de septembre parce qu’il est tombé moins de 50 % des précipitations normales.»

Les chiffres qu’il défile sont révélateurs: Montréal a reçu 70 millimètres (mm) de pluie en août alors que la moyenne annuelle est de 94 mm, puis 33 mm en septembre alors que la moyenne est de 83 mm. La ville de Québec en a reçu 68 mm au mois d’août et 47 mm en septembre (moyennes d’août et septembre, respectivement, 104 mm et 175 mm). Mais c’est l’Estrie qui a été la région la plus affectée, la ville de Sherbrooke recevant un maigre 14 mm de pluie en août (comparativement à une moyenne annuelle de 138 mm) et 52 mm au mois de septembre (moyenne 110 mm).

Ce problème est constaté dans toutes les régions du sud de la province. Dans une missive à La Presse Canadienne, le ministère de l’Environnement du Québec note que «les débits de plusieurs rivières sont actuellement considérés comme bas et se situent sous les moyennes, voire près des minimums historiques, à pareille date. C'est le cas notamment des rivières dans les régions du sud du Québec (Montérégie, Estrie, Centre-du-Québec, Chaudière-Appalaches) et de plusieurs rivières au nord du Saint-Laurent également».

De l'eau importée par camion

Si les producteurs agricoles sonnent l’alarme depuis un certain temps quant aux effets de la sécheresse de 2025 sur leurs récoltes, ce sont maintenant les municipalités qui s’inquiètent de manquer d’eau pour leur population. Un exemple parmi plusieurs autres, les quelque 1000 résidants du village au cœur de la municipalité de Saint-Ferdinand, dans le centre du Québec, sont desservis par un réseau d’aqueduc et le maire Yves Charlebois explique que «c'est là qu'on a un problème d'approvisionnement. On a des puits qui sont situés à peu près à 5 km de notre réservoir et ils ne fournissent plus. En fait ils fournissent parce que ces temps-ci on achète quatre camions de 32 000 litres d’eau par jour qui viennent livrer de Victoriaville et de Thetford Mines.»

À date, la municipalité a fait venir cet été une vingtaine de camions à 900 $ du coup. Le maire Charlebois précise que Saint-Ferdinand avait subi le même sort en 2021, mais «c’est très rare. Il y a quatre ans, ce n'était jamais arrivé avant.»

Appel au gouvernement

La municipalité de Saint-Alexandre, en Montérégie, a fait adopter une résolution lors du récent congrès de la Fédération québécoise des municipalités dans laquelle on invoque, notamment, l’obligation de transporter de très importantes quantités d’eau par camion pour combler leur approvisionnement et des craintes entourant la recharge des nappes phréatiques. La résolution appelle Québec à mettre en place «des mesures pour soutenir les communautés ayant des problématiques d’approvisionnement en eau potable» et à prévoir «les scénarios les plus pessimistes quant au niveau de précipitation dans les mesures qu’elles comptent déployer».

Le maire de Saint-Alexandre, Yves Barrette, doit lui aussi faire venir des camions pour ne pas laisser les trois puits de la municipalité descendre à des niveaux où les pompes pourraient être abîmées. Un quatrième puits doit s’ajouter d’ici la fin de cette année. «Dans la situation actuelle des précipitations qu'on connaît cette saison, on ne fournit pas», dit-il.

Sa résolution a été adoptée parce que, dit-il, «ça frappe un peu partout. En Gaspésie, ils ont des problèmes. Sur la Rive-Nord, ils ont également certains problèmes.» Si le ciel ne décharge pas plus d’eau, que ce soit cet automne ou cet hiver sous forme de neige, «il n'y a rien qui va recharger les nappes phréatiques. C'est extrêmement préoccupant pour tout le monde. Ce qui est aussi très inquiétant, c'est le niveau de la rivière Richelieu qui est très bas. La rivière Richelieu, ça abreuve 300 000 personnes, alors s'il fallait que les prises d'eau soient à l'air libre, vous voyez un peu le problème que ça pourrait générer.»

Des cargos allégés sur le fleuve

Le fleuve Saint-Laurent, lui, est à son niveau le plus bas depuis 2012, selon la directrice des communications du Port de Montréal, Renée Larouche, «mais ce n'est quand même pas une situation qui est inhabituelle», précise-t-elle. Le Port, en fait, accueille sensiblement le même nombre de bateaux que d’habitude, mais «les armateurs ont ajusté leurs marchandises en fonction des niveaux d'eau. Ils ont tout simplement mis moins de conteneurs sur leurs cargos.»

Ce sont donc les armateurs qui écopent dans ce cas-ci. Dans un communiqué transmis à La Presse Canadienne, le directeur général des Armateurs du Saint-Laurent (ASL), Saul Polo, confirme que «pour les opérateurs de navires de plus grande taille, de plus faibles niveaux d’eau peuvent parfois exiger un allègement de la cargaison afin d’assurer une navigation sécuritaire. Toutefois, la plupart des entreprises ont mis en place des stratégies proactives, notamment en augmentant le nombre de voyages au printemps et en été.»

Évidemment, transporter moins de marchandises avec plus de bateaux implique des coûts. Du côté d’ASL, on confirme que puisque les contrats de transport de marchandises sont négociés à l’avance et à la tonne, ces prix ne varient pas et ce sont donc les armateurs qui absorbent la dépense additionnelle. Aussi, les navires prennent plus de temps à faire le trajet dans le fleuve parce qu’ils doivent ralentir pour éviter ce que les pilotes appellent «l’effet de squat», c’est-à-dire que plus un navire va vite, plus il s’enfonce dans l’eau. En ralentissant, ils réduisent leur tirant d’eau, expression maritime qui fait référence à la hauteur de la partie immergée d’un navire.

Chaos dans les marinas

Ce sont toutefois les plaisanciers qui éprouvent les plus importants problèmes avec le niveau anormalement bas du fleuve Saint-Laurent. La situation est critique dans plusieurs marinas où les bateaux avec une quille plus profonde, notamment les voiliers, sont incapables de se rendre aux rampes de mise à l’eau pour être sortis et aux grues à quai pour être soulevés et entreposés pour l’hiver.

C’est précisément pour cette raison que, le 25 septembre dernier, le Conseil international du lac Ontario et du fleuve Saint‑Laurent annonçait qu’il ouvrira les vannes le 18 octobre prochain pour augmenter de 500 mètres cubes par seconde le débit sortant du lac Ontario, «afin d’élever temporairement le niveau d’eau du lac Saint‑Louis le 18 octobre (dans le but) d’aider les gens à sortir plus facilement leur embarcation de plaisance». C’est la première fois depuis 2012 que le Conseil se voit obligé d’agir de la sorte.

Cependant, le 18 octobre, c’est une semaine trop tard, selon une source dans le réseau des marinas qui n’était pas autorisée à parler aux médias. «Le problème, c'est qu'on ne peut pas attendre à la fin octobre. Tout le monde sort les bateaux à l’Action de grâce.» Dans les marinas de la région de Montréal, poursuit cette source, «c’est le gros chaos partout: Lachine, Valleyfield, Deux-Montagnes, Pointe-Calumet. Les gens cherchent des solutions parce que si les bateaux restent là pour le mois d'octobre, ils ne pourront pas sortir jusqu'à ce que les niveaux d'eau remontent.»

À Longueuil, la marina a décidé de procéder à un dragage temporaire pour creuser un corridor jusqu’aux grues sur les quais afin de pouvoir sortir les bateaux durant la longue fin de semaine qui vient. Cette marina, très achalandée, détient un permis pour ce genre de dragage et on entend sortir une centaine de bateaux en fin de semaine pour fermer les livres sur la saison.

Pierre Saint-Arnaud, La Presse Canadienne

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