Ces ignorants qui nous gouvernent
Pier Dutil
Les témoignages des ministres Éric Caire, François Bonnardel, Geneviève Guilbault et du premier ministre François Legault à la Commission Gallant chargée d’enquêter sur la gestion de la modernisation des systèmes informatiques de la Société de l’Assurance Automobile du Québec (SAAQ) m’ont laissé songeur, voire même incrédule.
Notez que je fais abstraction dans cette chronique des témoignages des dirigeants et officiers de la SAAQ, ayant déjà eu l’occasion d’aborder ce sujet dans ma chronique du 30 juin dernier. Je m’en tiendrai aujourd’hui aux intervenants relevant de la politique : élus.es et personnel politique.
Plaider l’ignorance
Tour à tour, les dirigeants politiques témoignant à la Commission Gallant ont plaidé l’ignorance. Selon Éric Caire, la mise en place d’un nouveau logiciel à la SAAQ ne le regardait pas, puisque la SAAQ est une société d’état indépendante dirigée par un conseil d’administration. Pour François Bonnardel, on ne lui a pas transmis toutes les informations concernant les coûts et on lui aurait même menti. Pour sa part, Geneviève Guilbault prétend avoir pris connaissance de l’ampleur du problème lors de la publication du rapport de la Vérificatrice générale du Québec en février dernier. Même chose pour François Legault.
Les témoignages des responsables du bureau du premier Ministre, Yves Ouellet, secrétaire du Conseil exécutif et Martin Koskinen, Chef de cabinet, m’ont, eux aussi, laissé avec un doute sérieux et une vive inquiétude.
Des documents révélateurs
Dans le cadre des travaux de la Commission, de nombreux documents ont été déposés, certains contribuant à jeter un doute sérieux sur les témoignages des intervenants politiques.
Un document intitulé «Évolution du budget CASA» faisant état d’un dépassement des coûts de l’ordre de 45 % a été présenté à Yves Ouellet en septembre 2022. Ce dernier prétend ne pas l’avoir lu au complet.
De son côté, Geneviève Guilbault, dans un courriel daté du 21 décembre 2024 expédié à François Legault, écrit avoir ramassé «un merdier» et réclame les têtes du Président du Conseil d’administration de la SAAQ, Konrad Sioui et du Président directeur général de l’organisme, Éric Ducharme. Rien de moins.
Si Madame Guilbault dit avoir hérité d’un «merdier» et réclamer la démission de hauts dirigeants de la SAAQ, c’est qu’elle a pris connaissance d’informations sérieuses, notamment d’importants dépassements des coûts. Comment peut-elle affirmer devant la Commission qu’elle a pris connaissance de l’ampleur du problème lors de la publication du rapport de la Vérificatrice générale? Pas facile à suivre.
«J’aurais dû le savoir, on aurait dû m’informer»
François Legault a aussi prétendu avoir pris connaissance du problème lors de la publication du rapport de la Vérificatrice générale.
Or, encore là, des documents expédiés au bureau du premier ministre faisant mention des problèmes de dépassements de coûts et de retards dans la mise en place du logiciel SAAQclic de même que le courriel de Madame Guilbault devraient avoir allumé des lumières rouges. Mais le premier ministre affirme qu’on l’a laissé dans l’ignorance.
Si François Legault dit vrai, mais j’avoue en douter fortement, cela veut dire que son personnel a choisi de ne pas lui transmettre les documents reçus, de le tenir dans l’ignorance et de ne pas intervenir. Cela est fort inquiétant. Comment peut-on justifier de cacher des informations compromettantes à son patron lorsqu’un scandale se pointe à l’horizon. À mes yeux, c’est de l’irresponsabilité. Comment Legault peut-il encore faire confiance à ces gens?
Un premier ministre, comme tous ses ministres d’ailleurs, ne peuvent savoir avec exactitude tout ce qui se passe au sein de leurs ministères. Ces dirigeants doivent déléguer une partie de leurs responsabilités à des gens en qui ils ont confiance.
En retour, les gens qui les entourent et à qui on a confié certaines responsabilités se doivent d’informer leurs patrons, de ne pas leur cacher les mauvaises nouvelles. La vérité finit toujours par éclater au grand jour et, comme on le constate présentement, tout le monde écope.
Manque d’élégance de Legault
Lors de son témoignage, François Legault a poignardé dans le dos son ex-ministre des Transports François Bonnardel et la ministre actuelle, Geneviève Guilbault. Même s’il a reconnu que l’essentiel du problème relève des dirigeants de la SAAQ, il a ajouté que ses ministres auraient dû poser plus de questions. Ces ministres, c’est lui qui les a nommés, de même que les membres du personnel politique.
Pourtant, lui aussi aurait pu poser plus de questions aux membres de son personnel rapproché alors que les médias faisaient état des problèmes à la SAAQ bien avant la publication du rapport de la Vérificatrice générale.
Plutôt que de tenter de se décrire comme une victime, François Legault devrait assumer ses responsabilités comme un vrai leader.
Je ne sais pas quelles seront les conclusions et les recommandations à venir dans le rapport du Commissaire Gallant, mais, on pourra juger du sérieux que le Gouvernement Legault accordera à ce dossier par ses agissements au cours du peu de temps qu’il reste à la CAQ au pouvoir.
D’ici là, voir tous ces gens plaider l’ignorance est loin de me rassurer.
Courage
Il ne reste que 1 239 jours au mandat de Donald Trump.
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Pensée de la semaine
Je dédie la pensée de la semaine à François Legault :
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